Le mix marketing modeling consiste à mesurer l’impact de toutes les composantes du mix marketing, sur les ventes d’une entreprise. Il permet d’optimiser les stratégies marketing des entreprises, de manière plus scientifique.
En 2024, le mix marketing modeling (modélisation du mix marketing , parfois abrégé MMM) est à la mode. Avec les contraintes de RGPD, il devient essentiel de ne plus uniquement se baser sur des méthodes de tracking. On retrouve donc un bon nombre d’annonceurs qui remettent le sujet du MMM sur la table. Mais est-ce vraiment efficace ?
Dans ce guide sur le mix marketing modeling, nous aborderons tous les sujets liés au MMM : Qu’est-ce que c’est ? Comment faire un MMM ? Quels sont les meilleurs outils de modélisation ? Peut-on le faire soi-même ? Et bien plus encore 🙃
⚙️ Le concept du mix marketing/media modeling
Au XXème siècle, le commerçant et politicien John Wanamaker disait : “La moitié de l’argent que je dépense en publicité est perdue, mais je ne sais pas quelle moitié”. Aujourd’hui encore, mesurer l’efficacité de la publicité et son retour sur investissement est une problématique majeure pour les annonceurs.
La modélisation du mix marketing (MMM) permet de répondre à cette problématique, en mesurant précisément l’impact de toutes les composantes du mix marketing, sur les ventes d’une entreprise.
Le mix marketing définit l’ensemble des actions marketing qu’une entreprise peut mettre en place pour promouvoir un produit ou un service. Le mix marketing d’une entreprise est souvent défini en anglais par les 3P (parfois 4 ou même 5, mais restons à l’essentiel) :
- Price : la politique de prix de l’entreprise. Cela peut faire référence à des changements de prix au cours de l’année ou aux prix pratiqués par les principaux concurrents.
- Product : ce qui caractérise le produit ou service proposé par l’entreprise.
- Promotion : la stratégie de communication de l’entreprise. Cela inclut principalement les campagnes publicitaires.
Lors d’un MMM, on expliquera les ventes de l’entreprises par l’ensemble des actions qui ont été mises en place. La restitution finale d’un MMM permet de déterminer dans quelle proportion chacune des actions a eu sur les ventes de l’entreprise. On sera en mesure d’expliquer le pourcentage des ventes qui provient des promotions, de tel ou tel levier d’acquisition, des campagnes TV, etc…
🎯 Les objectifs du mix marketing modeling
Le premier objectif d’un MMM est de déterminer dans quelles proportions chacun des leviers marketing a contribué à augmenter les ventes.
Dans un second temps, le MMM permet d’optimiser l’allocation budgétaire, parmi tous les leviers et actions marketing. Il est aussi intéressant de calculer les retours sur investissement (ROI) pour chacun des leviers : pour chaque euro investi, combien cela rapporte-t-il à l’annonceur ?
Pour effectuer un MMM le plus complet possible, la notion de marges et d’EBITDA peut être prise en compte, pour ajouter la notion de rentabilité aux actions marketing. C’est une problématique majeure pour toutes les entreprises.
Les enseignements que l’on peut tirer d’un MMM sont multiples : Quels sont les interactions entre les facteurs explicatifs ? Quelle est le nombre incrémentale de ventes apportées par les actions marketing ? Quel est le ROI d’une action ou d’un levier donné ? Quels sont les facteurs externes à l’entreprise qui ont un impact sur les ventes (météo, attentats, jours fériés, chômage, etc…) ?
Comment optimiser le plan média ? Peut-on réaliser des prévisions pour l’année suivante ? Quel est l’impact des fluctuations des prix sur les ventes et la rentabilité ? Quelle est la meilleure allocation budgétaire pour maximiser les résultats marketing ? Quels sont les leviers qui ne sont pas rentables / que l’ont pourrait couper ? Si l’on coupait un levier, quel serait le manque à gagner ? Et bien plus encore 🙃
📊 Mettre en place un mix marketing modeling : Le guide étape par étape
Le mix marketing modeling peut sembler complexe à mettre en œuvre. L’objectif de ce guide est de présenter les grandes étapes, si vous souhaitez le mettre en place pour vous ou pour un client.
1. Définir ses objectifs
La première étape est de déterminer les attentes et objectifs : pourquoi souhaite-t-on faire un MMM ? Quelles sont les questions auxquelles on souhaite répondre ?
Un MMM est basé sur un modèle statistique : la régression log-linéaire multiple. Il s’agit de méthodes économétriques. Ainsi, un objectif majeur est de déterminer la variable (ou les variables) à modéliser. Concrètement, il s’agira de la variable (ou des variables) à expliquer dans notre modèle mathématique.
Le plus souvent, la variable à modéliser représente les ventes de l’entreprise : son chiffre d’affaire.
Il est aussi nécessaire de lister de manière exhaustive les données et/ou évènements qui peuvent être intéressants pour modéliser l’activité de l’entreprise. Il s’agira des variables explicatives qui seront testées dans notre modèle.
2. Collecter les données internes à l’entreprise
Avant cela, il est primordial d’avoir une bonne compréhension du business avant de débuter la collecte des données. Qu’est-ce qui a un impact sur les ventes de l’entreprise ?
On récupérera le plus souvent les données sur 2 à 3 ans d’historique, avec une granularité hebdomadaire. Selon les entreprises, les données sont plus ou moins faciles à obtenir. La gestion du stockage des données au sein des entreprises est une problématique importante. Récupérer 3 ans de données est parfois compliqué pour certains clients. Certaines entreprises sont en mesure de fournir les données rapidement, alors que d’autres mettront plusieurs semaines, et les données resteront incomplètes.
Idéalement, il faut collecter le plus de données possible. À partir de ces données, il faut ensuite créer des variables qui pourront être testées dans notre modèle.
3. Créer et définir les variables du modèle
L’étape de création de variables est assez chronophage. Pour avoir un bon modèle statistique, il est essentiel d’avoir des bonnes variables, sans données manquantes. Afin de comprendre le travail à effectuer, nous allons nous intéresser à tous les types de variables que l’on peut créer.
Tout d’abord, il y a des variables qui sont spécifiques au secteur d’activité du client. C’est pour cela qu’il est très important de bien comprendre l’activité du client dans la phase de lancement du projet.
Concentrons nous donc sur les variables qui peuvent être communes à tous les clients. Il s’agit des variables liées au marketing, aux prix, aux activités des concurrents et toutes les variables extérieures.
Les leviers marketing sont très nombreux. On distingue le marketing offline et le marketing online. Le marketing offline est le marketing traditionnel. Cela comprend la TV, la radio, les panneaux publicitaires, les courriers envoyés par la poste ou les publicités imprimées dans les journaux ou les magazines. Pour la publicité TV ou radio, la variable utilisée sera les GRPs (Gross rating point). C’est un indicateur du nombre de personnes atteintes parmi la cible marketing définie avec la diffusion d’une campagne publicitaire. Plus le GRP est élevé, plus la campagne a atteint de monde. Ces données sont fournies par les agences publicitaires aux clients. Pour les autres leviers offline, il est plus difficile de mesurer le nombre de personnes atteintes. On peut donc créer une variable binaire, qui vaut 1 lorsque le levier est activé, et 0 sinon.
Les annonceurs utilisent de plus en plus le marketing online. Les dépenses publicitaires online dépassent désormais les budgets TV. Les leviers digitaux sont nombreux. Il y aura souvent plusieurs variables à créer pour chaque levier.
- Social Media : La publicité sur les réseaux sociaux est très utilisée. Pour chaque réseau social, on utilisera le nombre d’impressions et le nombre de clics sur les publicités.
- Search : Pour la publicité sur les moteurs de recherche, on utilisera aussi le nombre d’impressions et le nombre de clics. Il est souvent intéressant de distinguer les recherches qui ont été effectuées sur des mots-clés génériques des requêtes effectuées sur des mots-clés contenant le nom de la marque.
- SEO : On s’intéresse aux recherches effectuées sur le mot-clé correspondant au nom de l’entreprise, ou au nom d’un produit de l’entreprise. Pour cela, on utilise Google Search Console, qui donne les requêtes. On distinguera les requêtes “Marques” vs “Hors Marques”.
- Display : Le display regroupe toutes les bannières diffusées sur les sites web. Il y a souvent de nombreuses régies publicitaires, dont il faut agréger les données. Les données sont aussi le nombre d’impressions et de clics.
- Vidéo : Il peut aussi y avoir des publicités vidéo sur les sites web. On regardera aussi les impressions et les clics.
- Affiliation : L’affiliation est un levier plébiscité par certains annonceurs. Un affilié est un partenaire d’une entreprise, qui effectue la promotion de l’entreprise. Dans les faits, il s’agit souvent de comparateurs. L’affiliation est mesurée par le nombre de clics sur les liens des affiliés.
- Emailling : L’emailing est souvent mesuré par le nombre d’emails envoyés aux clients de l’entreprise.
Une autre famille de variables qui intéresse beaucoup les clients est l’activité de la concurrence. Il est intéressant de créer des variables contenant les prix pratiqués par les concurrents sur des produits ou services équivalents. Si cela est possible, on peut aussi regarder les actions marketing des concurrents, telles que les promotions, ou la diffusion de publicité à la TV.
Lorsqu’on définit des variables, il est parfois nécessaire de décomposer une variable en 2 composantes : sa tendance et sa saisonnalité. Pour cela, il faut utiliser des méthodes de décompositions de séries temporelles.
4. Enrichir avec des variables externes
La dernière famille de variables contient tous les facteurs externes à l’entreprise. Ce sont des facteurs sur lesquels l’annonceur n’a aucune emprise. Cependant, il est toujours très intéressant de mesurer leur impact.
Comme exemples de facteurs, on pourra citer les attentats, la météo (température, volume de précipitations), le cours de la bourse, les jours fériés / vacances scolaires, l’indice de la consommation des ménages, le taux de chômage, l’inflation, les confinements / couvre-feu / restrictions sanitaires, etc…
Tant que la variable peut expliquer un comportement d’achat, il est intéressant de la tester dans le modèle. Voici quelques exemples de variables pour certains secteurs d’activité :
- Pour une compagnie aérienne, les attentats, les restrictions sanitaires et les vacances scolaires auront un fort impact
- Pour une enseigne de restauration, le ramadan aura un fort impact
- Pour une entreprise de jus de fruits ou de glaces, la saisonnalité / météo sera importante (que l’on peut traduire par la température moyenne hebdomadaire)
- Pour une entreprise dans le tourisme, les grands évènements peuvent avoir un gros impact (Jeux olympiques, Coupe du monde…)
- Pour une entreprise internationale, les taux de change peuvent impacter fortement le résultat
Tous ces facteurs ne sont pas pertinents pour tous les clients. Encore une fois, cela dépend du secteur d’activité du client. Même si ces facteurs ne sont pas contrôlables par l’entreprise, il est toujours intéressant de mesurer précisément leur impact sur les ventes.
5. Phase de pré-analyse
Une fois que toutes les variables sont créées, une première analyse est nécessaire avant la modélisation. Il s’agit de statistiques descriptives. Cela permet aussi de détecter des corrélations entre certaines variables.
2 choses sont intéressantes à faire lors de cette étape :
- Des graphiques simples : tracer le volume de vente hebdomadaire versus chaque variable principale
- Calculer des coefficients de corrélation (ou matrice de corrélation) entre toutes les variables. Cela permet d’exclure les variables les plus corrélées entre elles.
De nombreux annonceurs n’ont jamais visualisé l’historique hebdomadaire de leurs données sur une période de 3 ans, croisés à d’autres variables. Ainsi, cette première étape permet déjà de tirer certains enseignements.
Parfois aussi, cela permet de voir que certaines données sont erronées ou incomplètes.
6. La phase de modélisation du mix marketing
Une fois que les données ont été validées, la phase de modélisation peut débuter. Selon l’entreprise, il peut y avoir plusieurs modèles à réaliser. En effet, une entreprise a souvent plusieurs produits ou services à vendre, ou plusieurs régions dans le monde. Il est assez fréquent de réaliser un modèle par produit/service, ou par marché.
Il existe plusieurs méthodes mathématiques pour effectuer un MMM. Les 2 méthodes les plus célèbres sont :
- la régression linéaire multiple (modèle additif) ou la régression log-linéaire multiple (modèle multiplicatif), qui est peut-être la plus simple à expliquer.
- Les statistiques bayésiennes : ce modèle a gagné en popularité avec le modèle fourni par Google (LightweightMMM, voir plus bas). Cela peut être plus avantageux lorsque la quantité de données disponible est limitée.
Pour la modélisation, quelque soit le modèle utilisé, il est impératif d’avoir des bases solides en statistiques, afin de ne pas faire n’importe quoi. En effet, il faut être vigilant avec les variables utilisées dans le modèle.
Par exemple, pour qu’un modèle de régression linéaire soit correct, il ne faut pas avoir de variables colinéaires entre elles, et cela peut arriver pour certaines variables. En utilisant les clics et les impressions d’un levier digital, on peut avoir une colinéarité entre ces deux variables.
Aussi, il est impératif de connaître les notions de p-valeurs, de coefficients de détermination (ajusté ou non), les différents tests de statistiques pertinents à effectuer (Student, Jarque-Bera, Durbin-Watson…), l’erreur quadratique moyenne, autocorrélation, etc.. L’analyse des résidus est également essentielle. Cela permet de s’assurer qu’ils suivent bien une loi normale, et donc que le modèle de régression linéaire est valide.
7. La restitution et interprétation
Pour la restitution d’un MMM auprès d’un annonceur, il faut que les résultats soit vulgarisés par la personne ayant effectué la modélisation. L’objectif est alors d’avoir des données actionnables par les décideurs.
Attention toutefois à bien interpréter le modèle. Il est souvent nécessaire d’avoir de bonnes connaissances en marketing afin de ne pas tirer des conclusions hâtives. Par exemple, on peut très bien arriver à un modèle qui suggère que l’impact d’une action publicitaire est négatif sur le chiffre d’affaire. Pour chaque variable, il est donc indispensable de se demander si cela est cohérent.
En fonction des variables que l’on choisit d’inclure ou non dans la modélisation du mix marketing, on peut obtenir des résultats différents. C’est pour cela qu’il faut toujours challenger un modèle d’un point de vue métier.
🏆 Les meilleurs outils de modélisation du mix marketing
De nombreux prestataires et agences proposent la réalisation de MMM. Cela est intéressant, mais le budget à consacrer est parfois conséquent. C’est quelque chose qui peut également être fait en interne. Cela est sans doute préférable, afin de le maintenir et mettre à jour.
Pour réaliser un MMM en interne, il y a 2 outils populaires, qui ont été mis à disposition par Meta et Google :
- Meta propose la librairie Robyn (https://facebookexperimental.github.io/Robyn/) : Cette librairie utilise du machine learning & modélisation de séries temporelles.
- Google propose LightWeightMMM (https://github.com/google/lightweight_mmm) : Cette librairie de Google utilise une modélisation Bayésienne.
Ces librairies sont bien documentées, et peuvent être utilisées par un data analyst/scientist/engineer, habitué à utiliser Python.
⭐ Mix marketing modeling vs Modèles d’attribution ?
Les modèles d’attribution classiques et la modélisation du marketing modeling sont très différents, et répondent à des besoins différents. Le MMM inclut tous les leviers marketing, en plus de facteurs extérieurs, alors que l’attribution ne concerne que les leviers digitaux.
Une différence majeure entre ces deux produits réside dans le type de données utilisées. Les données utilisées pour les modèles d’attribution sont beaucoup plus granulaires. En effet, on s’intéresse au parcours de chaque internaute.
D’autre part, le MMM est un modèle économétrique basé sur un modèle statistiques, alors que les modèles d’attribution adoptent une approche probabiliste.
Ces deux solutions sont en fait assez complémentaires. Le MMM permet d’optimiser les budgets marketing d’un point de vue global, parmi tous les leviers. L’attribution permet de réallouer les budgets parmi les leviers digitaux.
📋 Conclusion
Le MMM est essentiel pour les gros annonceurs. Il semble compliqué à mettre en place, mais cela dépend grandement de votre capacité à accéder et réunir l’historique de vos données.
Si votre entreprise est en mesure de récupérer 3 années d’historique de vos données marketing, comme évoqué dans l’article, vous serez beaucoup plus capable de mettre en place un MMM fiable et rapidement.
Si les données de votre entreprise sont éparpillées, voire non disponibles, il est sûrement prioritaire de se focaliser sur ce point avant d’effectuer un MMM.